Lois sur l’euthanasie : jusqu’où étendre l’interprétation de la souffrance ?

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Fin de vie / Soins palliatifs Actualités Temps de lecture : 2 min.

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Aux Pays-Bas, la question se pose et se repose de savoir s'il faut légaliser l'euthanasie ou l'assistance au suicide de personnes désireuses de mourir mais qui ne sont pas (gravement) malades. Le débat s'alimente désormais d'une étude publiée en janvier 2020 et menée par des chercheurs de l'Université des Etudes Humanistes (Utrecht) et le Centre Universitaire Médical d'Utrecht, sous la direction d'Els van Wijngaarden. Ils furent chargés, par le ministre de la santé et dans la ligne de l'accord de gouvernement, d'étudier spécifiquement le groupe de personnes de plus de 55 ans et désirant mourir, sans qu'elles ne souffrent de maladie grave.

Selon le rapport, ce groupe représenterait 0,18 % de la population, soit à peu près 10.000 personnes. Les chercheurs ont noté que le désir de mort n'était pas lié à l'âge avancé, mais surtout, qu'il était souvent complexe et changeant : il ne se développe pas de façon linéaire, n'est pas irréversible et est renforcé par des facteurs tels que l'inquiétude (de scénarios futures ou hypothétiques), les problèmes financiers, les soucis de santé, la solitude, la dépendance et le sentiment d'être une charge pour les autres. Ce qui mène les chercheurs à conclure que le terme de « vie accomplie » ne se prête pas à ces situations, qui connaissent leur lot de souffrances et quelque part, d'insuffisance. Dans 75% des cas, le désir de vie et le désir de mort s'alternent. Les conclusions de l'étude encouragent les dirigeants à améliorer la situation de vie de ces personnes, « tout en prenant au sérieux leur désir de mort ». Enfin, les chercheurs conseillent à l'Etat, dans le cas où serait envisagée une concrétisation du « droit à décider comment et quand mourir », de se tenir à son « obligation de protéger les personnes vulnérables ».

Ce n'est pas le premier rapport qui traite de la fatigue de vivre aux Pays-Bas. En 2016, une commission avait fortement déconseillé de régler ce sujet sous une loi séparée. Depuis lors, ce qui se profilait ressemblait davantage une réglementation distincte selon laquelle un « accompagnateur de fin de vie » prendrait la place du médecin. Une ligne largement applaudie par l'Association Néerlandaise pour une Fin de vie Volontaire (NVVE), qui souhaite se débarrasser du critère de souffrance insupportable et sans issue.

Lors de la remise du rapport, le ministre de la santé Hugo de Jonge, à l'instar de l'Association Royale Médical Néerlandaise (KNMG), s'est néanmoins montré défavorable à un régime spécifique à la fatigue de vivre : “Un nouveau régime légal n'est pas la solution pour un groupe tel que décrit dans l'étude ». Reste à savoir ce qu'il faut y comprendre : les personnes fatiguées de vivre mais ne souffrant pas de maladies graves, tombent-elles en dehors du champ d'application de la loi euthanasie ? Ou s'agit-il d'interpréter la loi plus largement, de façon à les inclure, puisque d'une certaine façon ces personnes sont également en souffrance. C'est une piste évoquée le rapport : « étant donné l'interprétation actuelle du critère de souffrance, la loi offre déjà un large champ d'application ».

Des considérations similaires ont fait dire la semaine dernière dans La Libre Belgique à Nadia Geerts, écrivaine belge, que « La loi (belge, ndlr) est tout de même assez bien faite ; je ne suis pas sûre qu'il faille l'étendre. La question étant l'interprétation qu'on en fait. »

Pour aller plus loin :

Dossier IEB "Euthanasie et 'vie accomplie' aux Pays-Bas"

Dossier IEB "Euthanasie et fatigue de vivre : où en est la réflexion en Belgique?"