L’euthanasie au Canada, réponse à la vulnérabilité sociale et économique des citoyens ?

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Fin de vie / Euthanasie et suicide assisté Actualités Temps de lecture : 2 min.

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Selon une enquête menée dans la province de l'Ontario au Canada, la plupart des personnes euthanasiées entre juin 2016 et octobre 2018 n'étaient pas spécialement confrontées à une vulnérabilité sociale ou économique. Tout au contraire, elles étaient plus jeunes et avaient un niveau de revenus plus élevé en moyenne que les personnes décédées naturellement dans cette province. Ce constat rejoint l'observation de l'écrivain Wesley J. Smith dans le National Review – « Assisted Suicide and White Privilege » selon laquelle les patients Latino-Américains et Afro-Américains choisissent rarement le suicide assisté en comparaison avec les patients blancs disposant d'une bonne situation financière (87% des suicides assistés). De même, l'étude indique qu'en Suisse, les personnes ayant demandé le suicide assisté étaient en moyenne plus aisées et plus instruites que l'ensemble des personnes décédées.

L'étude menée en Ontario a montré également que la majorité des personnes euthanasiées souffraient d'un cancer (64,4 %), suivi par les maladies neurodégénératives (11,9 %), cardiovasculaires (8,5 %) et respiratoires (7,5 %). La plupart ont déclaré avoir des souffrances tant physiques (99,5%) que psychologiques (96,4%) avant la procédure. A noter que dans 74,4% des cas, les personnes concernées bénéficiaient de soins palliatifs au moment où ils ont déposé une demande d'euthanasie. Il convient de souligner, toutefois, que ni les soins palliatifs ni la consultation psychiatrique (visant à évaluer la capacité décisionnelle du patient) ne sont obligatoires au Canada pour les patients qui demandent l'euthanasie.

Le rapport annuel sur l'euthanasie au Canada indique qu'en 2019, 5631 personnes y ont demandé l'euthanasie, ce qui représente 2,0 % de l'ensemble des décès. Par rapport à 2018, on constate une augmentation de 26,1%. Parmi les raisons les plus fréquemment invoquées se trouvent la souffrance liée à une perte d'autonomie ou une perte de la capacité à s'engager dans des activités significatives de la vie (voy. par ailleurs l'étude comparative réalisée par l'IEB au sujet de l'aide médicale à mourir au Québec et l'euthanasie en Belgique).

Il convient de noter qu'au Canada, certains prestataires de soins palliatifs estiment que l'euthanasie constitue un élément important de leur pratique clinique. On peut dès lors s'interroger sur la qualité des soins palliatifs compris de cette façon, et sur l'entrave que peut représenter une certaine culture de l'euthanasie sur l'amélioration des soins palliatifs. Il demeure essentiel de faire connaître aux patients les autres moyens dont dispose la médecine pour soulager leurs souffrances (Voir Dossier IEB - Apaiser la douleur en fin de vie et Le modèle belge des "soins palliatifs intégraux" dénature-t-il la pratique des soins palliatifs ?).

Au-delà de la douleur physique, reconnaissons que les souffrances psychologiques marquent fortement la personne, surtout quand elles s'accompagnent d'une perte d'autonomie. L'incapacité de reprendre sa vie d'avant est difficile à accepter, tout comme le fait de devoir demander de l'aide et se laisser aider. Ce sont là des raisons de plus en plus déterminantes dans les demandes d'euthanasie.

Pour info :

Depuis juin 2016, l'euthanasie est devenue légale au Canada. Selon la loi, la personne concernée doit être âgée d'au moins 18 ans et mentalement capable, faire une demande délibérée “d'aide médicale à mourir” qui ne soit pas le résultat de pressions ou d'influences externes, donner un consentement éclairé et avoir un problème de santé grave et irrémédiable. Plus particulièrement, il faut souffrir d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap grave, être dans un état de déclin avancé qui ne peut être inversé, ressentir des souffrances physiques ou mentales insupportables causées par la maladie, le handicap ou le déclin des capacités qui ne peuvent être atténuées dans des conditions que le demandeur juge acceptables. Toutefois, il n'est pas nécessaire d'être atteint d'une maladie mortelle ou d'être en phase terminale pour être admissible à « l'aide médicale à mourir ».