Irlande - Le Parlement ouvre les discussions sur la légalisation de l'euthanasie

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Fin de vie / Euthanasie et suicide assisté Actualités Temps de lecture : 3 min.

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Le 7 octobre dernier, une majorité de députés du Dáil Éireann (chambre basse du Parlement irlandais) a voté la prise en considération d'un projet de loi visant à dépénaliser l'euthanasie en Irlande.

Le débat parlementaire se poursuit désormais au sein d'une commission parlementaire.

 

« Assisted dying » et euthanasie

Intitulé « Dying with Dignity », le texte fait référence au concept d'« assisted dying » (aide à mourir) et non à l'euthanasie, dans la mesure où il s'agit d'autoriser sous conditions la prescription de substances létales que le patient s'injecterait ensuite lui-même (le cas échéant, avec de l'aide d'un soignant) afin de mettre fin à ses jours. En cela, la proposition a plutôt trait à l'idée de suicide assisté, même si, fondamentalement, celle-ci se rapproche clairement de l'idée d'euthanasie : il s'agit de provoquer intentionnellement la mort d'une personne en raison de ses souffrances, considérées comme insupportables.

 

Le projet de loi prévoit la nécessité que le patient soit affecté d'une « maladie terminale », c'est-à-dire « incurable, progressive, et qui ne peut être inversée par un traitement », et qui conduira « probablement » au décès du patient, soit directement, soit en raison des complications qu'elle entraîne. L'existence d'un traitement permettant de neutraliser temporairement les symptômes de la maladie n'est pas considéré comme suffisante pour exclure le caractère terminal de la maladie.

 Le caractère terminal de cette maladie est attesté par deux médecins. En plus d'être juridiquement capable, la personne souhaitant mourir par euthanasie doit être majeure et résider depuis au moins un an en Irlande.

 

Conditions légales

Outre le patient, la demande d'euthanasie doit être signée par un témoin désintéressé et deux médecins, dont le second doit être indépendant du premier. Un délai de deux semaines est ensuite prévu entre la réception de la demande et l'octroi de la prescription par le médecin. Ce délai est ramené à six jours dans l'hypothèse où, en raison du stade avancé de la maladie terminale, l'espérance de vie de la personne est inférieure à un mois.

 

Il est par ailleurs requis que la personne requérante soit préalablement informée des possibilités de soins palliatifs qui s'offrent à elle. Une obligation de déclaration de l'euthanasie figure également dans le projet de loi, ainsi que la mise en place d'une commission de contrôle chargée d'examiner ces déclarations.

 

Une clause de conscience est prévue, permettant à tout médecin ou soignant de refuser de pratiquer l'euthanasie ou d'y participer. Celui-ci a dans ce cas l'obligation de transférer le patient vers un service qui prendra en charge sa demande.

 

Vers une pente glissante ?

Si les partisans du texte insistent sur le fait que celui-ci contient de nombreuses garanties visant à éviter tout abus ou pente glissante, force est de constater que ces conditions sont fortement comparables à celles initialement prévues dans les lois néerlandaise, belge ou encore canadienne relatives à l'euthanasie. Pour chacun de ces pays, il a néanmoins été observé un rapide assouplissement des conditions de l'euthanasie (ou de l'interprétation de ces conditions), conduisant en pratique à une banalisation de cette mort intentionnelle et à l'émergence d'un « droit à être suicidé » à la demande.

 

Notons que le gouvernement irlandais était initialement opposé à l'examen de ce projet de loi en commission, jugeant un tel examen « précipité ». Les partis gouvernementaux ont toutefois autorisé leurs députés respectifs à voter « en conscience », dégageant ainsi une majorité alternative et permettant au projet de poursuivre son parcours parlementaire.

 

De nombreux médecins (en particulier ceux travaillant au sein de services de soins palliatifs) ont pourtant eu l'occasion d'exprimer leur inquiétude quant à l'influence d'une telle initiative parlementaire sur l'accompagnement des personnes vulnérables et sur les pressions que celles-ci subiraient implicitement pour mettre fin à leurs jours. De même, les médecins s'interrogent sur l'évolution du rôle qui leur serait dévolu dans un tel contexte.

 

Du parlement …au référendum ?

A l'issue de l'examen en commission de la chambre basse du Parlement au printemps prochain, le texte devra encore être validé par la chambre haute (le Seanad) et par le Président, l'une et l'autre ayant alors respectivement la possibilité de renvoyer le texte au Conseil d'Etat ou à la Cour suprême afin que sa constitutionnalité soit vérifiée. L'hypothèse d'un référendum ou d'un examen par une assemblée citoyenne est également évoquée.

 

Sources : Parlement irlandais, The Irish Times, The Independent, The Irish Examiner