Fécondation in vitro automatisée : l’IA réinvente la procréation, non sans risque

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Début de vie / Procréation médicalement assistée Actualités Temps de lecture : 3 min.

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Pour la première fois, la conception d’un bébé par injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) - une variante de la fécondation in vitro - a été réalisée à distance, grâce à une technologie entièrement automatisée. Les étapes de la première procréation réalisée avec cette technologie ont été rapportées dans une étude publiée en avril 2025 dans la revue médicale Reproductive Biomedicine Online.   

L’ICSI vise à pallier les déficits fonctionnels des spermatozoïdes qui les rendent incapables de franchir de façon autonome la membrane de l’ovocyte. La technique consiste à introduire un spermatozoïde dans une micropipette et de le pousser jusqu’au cœur de l’ovocyte pour le féconder directement.  

L’étude en question décrit la façon dont la robotique et l’intelligence artificielle ont permis de réaliser à distance les 23 étapes qui constituent l'intégralité de la procédure fécondation in vitro avec ICSI : « Grâce à l’IA, explique le professeur Mendizabal-Ruiz dans un communiqué, le système sélectionne de manière autonome les spermatozoïdes et immobilise avec précision leur section médiane à l’aide d’un laser prêt à être injecté, exécutant ainsi ce processus rapide et précis avec un niveau de précision au-delà des capacités humaines. » 

La candidate pour cette application clinique était une femme de 40 ans avec une faible réserve ovarienne. Une donneuse d’ovocytes a permis aux chercheurs d’obtenir 8 ovocytes dont 5 ont été fécondés à l'aide du système d’ICSI automatisé. Les trois autres ovocytes ont été fécondés par la méthode d’ICSI manuelle pour servir de témoins. Le système d'ICSI automatisé a atteint un taux de fécondation de 80 % (4 embryons sur les 5 ovocytes fécondés). La méthode manuelle a également permis de créer des embryons. Tous les embryons viables ont ensuite été vitrifiés et une IA a sélectionné deux embryons qui présentaient la meilleure intégrité chromosomique et le plus de chance d’implantation.  

 
Finalement, l’implantation dans l’utérus de la patiente d’un embryon du groupe d'ICSI automatisé a permis une première naissance vivante et saine à 38 semaines de gestation. Selon les chercheurs, les limites actuelles telles que l’implication de l’opérateur et le temps de procédure devraient diminuer à mesure que le système gagnera en autonomie.  

Jusqu’à présent, toutes les procédures ICSI étaient effectuées manuellement par des embryologistes qui utilisent des systèmes de micro-injection. Selon le Dr Cohen, embryologue qui a participé à l’essai clinique, l’automatisation du processus d’ICSI « (…) promet d’améliorer la précision, d’améliorer l’efficacité et d’assurer des résultats cohérents ». L’automatisation du processus pourrait aussi, selon lui, améliorer la survie des ovules et optimiser le moment de l’injection.  

Appréciation éthique :  

Si des risques inhérents à cette technique ont déjà été pointés par différentes études (voy. Dossier IEB : ICSI : Des enfants comme les autres, vraiment ?), le recours à un système entièrement automatisé fait surgir de nouvelles préoccupations éthiques :  

  • Le recours à la robotique et à l’IA pour la fécondation entraine un risque réel de déshumanisation de la procréation.  

  • En confiant à une IA le choix du meilleur embryon à implanter, la question se pose de savoir qui sera responsable en cas d’erreur dans le choix de l’embryon.  

  • Le recours à l’IA pour sélectionner l’embryon à implanter ne renforce-t-il pas le risque d’un eugénisme moins visible mais encore plus systématique ?  

  • Le système nécessite une connexion internet haut débit pour assurer la réussite de l’opération. Comme le souligne l’étude, le retard de réactivité de la machine représente également un risque faible, mais non négligeable.  

  • Au vu des moyens humains et matériels mis en œuvre pour cette opération, la question se pose de savoir si à l’avenir, ce type de technologie sera réellement accessible à toutes les personnes en désir d’enfant.  

Alors qu’environ 70% des fécondations in vitro en Europe font appel à l’ICSI, le recours à cette technique qui n’est pas sans risque, pourrait devenir, avec l’automatisation, encore plus systématique.