PMA en Belgique : jusqu’à 5 ans pour utiliser les gamètes ou les embryons du conjoint décédé ?

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Début de vie / Procréation médicalement assistée Actualités Temps de lecture : 3 min.

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Le 27 janvier dernier, le conseil des ministres a approuvé un avant-projet de loi du ministre de la Santé publique Frank Vandenbroucke, qui permettrait au parent survivant d’utiliser les gamètes et les embryons congelés, s’il y en a, jusqu’à cinq ans après le décès du conjoint. Jusqu’à présent, la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes fixe à deux ans l’utilisation possible des gamètes et embryons congelés après le décès de l’un des membres du couple (l’homme, ou la deuxième femme dans un couple lesbien). L’avant-projet de loi a été transmis pour avis au Conseil d’État et à la Belgian Society for Reproductive Medicine.

Cet avant-projet de loi vise d’une part à s’aligner sur le délai de 5 ans proposé pour la cryoconservation (congélation) des embryons dits surnuméraires et recueillis à l’issue d’une procréation artificielle. D’autre part, les auteurs avancent que les femmes seraient ainsi moins pressées par le temps pour envisager une grossesse après le décès de leur conjoint. Cette mesure fait aussi écho à une proposition de loi déposée en décembre 2022 par le CD&V et qui vise quant à elle, à aligner les délais de la procréation post mortem sur ceux prévus pour la conservation des gamètes d’une part (10 ans) et des embryons (5 ans à partir de la cryoconservation).

Alors que la loi du 6 juillet 2007 avait prévu de réserver cette pratique à des cas exceptionnels en limitant l’utilisation des gamètes et des embryons à deux ans après le décès, cette extension pourrait conduire à concevoir davantage d’enfants qui, dans le cas d’une fécondation post mortem, seraient délibérément privés de leur père. On peut d’ailleurs distinguer les enjeux liés à l’insémination artificielle post mortem de ceux liés au fait d’implanter un embryon conçu avant le décès du conjoint. Selon les mots d’Aude Mirkovic de l’Association Juristes pour l’Enfance, dans le premier cas, il s’agit de concevoir délibérément « un enfant privé de père », mais dans le second, il s’agit de « décider de les implanter pour leur permettre de vivre ou non »

Cette mesure interroge quant au respect de l’intérêt supérieur des enfants. Ceux qui naissent ainsi dans des familles monoparentales – dont on connaît la plus grande fragilité financière - sont dès leur naissance voire leur conception, orphelins de pèreIl semble que le premier but recherché soit de répondre au projet parental. Pourtant, les implications psychologiques et juridiques que cette mesure entraine ne sont pas des moindresLe contexte de la naissance de l’enfant, jouet du projet parental, ne lui sera délibérément pas favorable. Et ce, qu’il s’agisse du processus de deuil ou encore de l’aménagement nécessaire du traitement de la succession pour les cas où les embryons seraient conçus après le décès.Qu’en sera-t-il quand, au nom de ce même projet parental, des hommes voudront faire naître un embryon de leur conjointe décédée (par mère porteuse ?).


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