PMA d’un père décédé : la CEDH refuse de reconnaître un droit à devenir grand-parent

Publié le : Thématique : Début de vie / Procréation médicalement assistée Actualités Temps de lecture : 2 min.

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Peut-on revendiquer le droit de disposer du sperme de son fils défunt afin de faire réaliser une procréation médicalement assistée (PMA), et d'ainsi devenir grand-parent ? C'est à cette question qu'a répondu la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) le 12 novembre dernier, dans une affaire portée par Mme Dominique Petithory Lanzmann, femme du réalisateur Claude Lanzmann. Leur fils avait procédé à une congélation de ses gamètes avant son décès survenu en 2017, afin de pouvoir s'assurer une descendance, y compris en cas de mort prématurée.

La PMA post mortem étant interdite en France, Mme Petithory Lanzmann demandait le transfert de ces gamètes en Israël, où tant la PMA post mortem que la gestation pour autrui (GPA) sont autorisées.
Face au refus successif des institutions de santé et juridictions françaises d'autoriser un tel transfert, Mme Petithory Lanzmann porte donc l'affaire devant la CEDH sur base du droit au respect de la vie privée et familiale.

Les juges européens concluent au caractère irrecevable de la requête, à deux égards. Premièrement, le sort réservé aux gamètes est attaché à l'individu dont elles proviennent, et « relève de la catégorie des droits non transférables » (§ 16). Mme Petithory Lanzmann n'a donc aucun droit indirect à disposer de ces gamètes. Par ailleurs, la CEDH insiste sur le fait que le droit au respect de la vie privée et familiale « ne comprend pas le droit de fonder une famille et ne saurait englober […] le droit à une descendance pour des grands-parents » (§ 20).

Cette décision intervient alors qu'est également attendu un arrêt important de la CEDH en matière de PMA post mortem. En l'occurrence, dans cette affaire Dalleau c. France, il s'agira de savoir s'il existe un droit, pour une femme dont le conjoint est décédé, à faire transférer les gamètes de ce dernier afin de procéder à une PMA post mortem.

Ces deux affaires concernent dans chaque cas le droit à transférer des gamètes d'un pays interdisant la PMA post mortem vers un pays qui la tolère. La PMA post mortem est en effet aujourd'hui illégale dans la plupart des pays européens, mais autorisée notamment en Belgique, en Espagne ou ailleurs dans le monde, comme en Chine ou aux Etats-Unis, sous certaines conditions. Une telle pratique a récemment failli faire l'objet d'une légalisation en France, dans le cadre de l'examen de la loi bioéthique – la proposition ayant été rejetée in extremis par l'Assemblée Nationale.

Au coeur de la discussion sur la PMA post mortem, se pose la question de savoir s'il s'avère éthique et opportun de faire volontairement naître un enfant dont le père est décédé. En cela, la PMA post mortem soulève un enjeu similaire à celui relatif à la PMA de femmes célibataires ou de couples de femmes : dans chaque cas, la pratique de la PMA revient à concevoir volontairement des enfants sans père connu – ou vivant.

Pour aller plus loin : Etude – « Le désir d'enfant contrarié par la mort masculine : la procréation post mortem » (Aude Mirkovic)