L’Association Médicale Britannique adopte une position "neutre" vis-à-vis de l’euthanasie 

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Fin de vie / Euthanasie et suicide assisté Actualités Temps de lecture : 2 min.

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Alors que l'euthanasie n'est pas autorisée au Royaume-Uni, le 14 septembre dernier, la British Medical Association(BMA) a modifié sa position à son égard : explicitement opposée à l'euthanasie depuis 2006, l'association adopte désormais une « position neutre »par rapport à « l'aide à mourir » (NDLR: l'euthanasie et lesuicide assisté), « y compris l'aide médicale à mourir » (NDLR : l'euthanasie et le suicide assistépar un médecin). C'est un virage important pour cette association professionnelle à laquelle sont affiliés près de deux tiers des médecins actifs au Royaume-Uni. A noter que la position de neutralité s'applique à l'euthanasie et au suicide assisté sans que soit mentionnée aucune condition liée à l'état du patient. 

 

Un sondage comme fondementde cette évolution

La BMA justifie cette évolution par une volonté de « représenter la diversité d'opinions qu'a révélé le sondage auprès de ses membres », réalisé en octobre 2020. Si les résultats de l'enquête en question avaient montré une majoritérelative des médecins interrogés en faveur du suicide assisté (40%-33%), une autre majorité relative s'était pourtant prononcée contre l'euthanasie (40%-30%). De plus, les personnes les plus favorables à une évolution de la loi étaient les moins impliquées dans le traitement des patients, à savoir les étudiants en médecine et les médecins retraités. Les spécialistes les plus concernés parles soins en fin de vie, comme les médecins spécialisés en soins palliatifs, les gériatres, les médecins généralistes et les spécialistes de la respiration, étaient en grande majorité opposés ausuicide assisté et à l'euthanasie.* La position de neutralité de la BMA s'avère donc une traduction largement simplifiée de ces résultats. 

Notons que sur les 600 membres du Bureau Représentatif de la BMA, seuls 302 ont voté la motion de neutralité, qui fut adoptée à seulement 4 voix de différence: 149 en faveur, 145 contre et 8 abstentions. 

 

Une organisation médicale peut-elle être « neutre » vis-à-vis de l'euthanasie ? 

«Être neutre signifie que la BMA ne soutiendra ni ne s'opposera à un changement dans la loi», précise l'Association Médicale Britannique sur son site internet. Pourtant, l'Association mentionne déjà certaines conditions moyennant lesquelles une légalisation de l'euthanasie serait envisageable : les patients devraient avoir atteint l'âge adulte, avoir la capacité décisionnelle, avoir fait une demande volontaire, et être atteint d'une maladie terminale ou d'une maladie physique grave qui provoque des souffrances intolérables et inapaisables. 

Les réactions des organisations militant pour la légalisation de l'euthanasie mettentégalement en doute le caractère véritablement neutre de la position endossée par la BMA. Ainsi, selon Trevor Moore qui préside l'association ​My Death, My Decision, cette décision représente un pas historique dans la campagne pour légaliser “l'aide à mourir”(sic) et ouvre la voie vers un changement dans la loi. 

En effet, comment une organisation médicale, censéepromouvoir une médecine de qualité peut-elle refuser de se prononcer sur la compatibilité entre la pratique médicale et le fait de provoquer ou de favoriser la mort d'un patient ? Rappelons que le Code de déontologie en vigueur au Royaume-Uni, qui s'applique à tous les médecins du pays, s'ouvre par ces mots :« Les patients doivent pouvoir faire confiance en leur médecin quant à leur vie et à leur santé. Pour justifier cette confiance, vous devez vous montrer respectueux de la vie humaine».

Le Professeur IIora Finlay,experte en soins palliatifs et ex-présidente de la BMA, a rappelé peu avant le vote que c'était justement une position de neutralité qui avait précédé la légalisation de l'euthanasie au Canada, et que cette position suggérait qu'il ne serait plus fait objection à l'administration ou à la prescription de substances mortelles pour le patient. 

Selon le Dr Gordon MacDonald, président de l'association Care Not Killing au Royaume-Uni, la législation actuelle suffit pour protéger les plus vulnérables, et le pays doit avant tout recentrer son attention sur une meilleure façon de procurer des soins palliatifs à ceux qui en ont besoin. 

Une proposition de loi pour légaliser l'euthanasie et le suicide assisté est actuellement en discussion au parlement britannique, et une proposition similaire a été déposée devant le parlement écossais en juin 2021. 

 

*Il en fut de même lors de la consultation organisée par le Royal College of Physicians au Royaume-Uni, qui adopta lui aussi une position neutre vis-à-vis de l'euthanasie et du suicide assisté en 2019.