Arrêt D. c. France / Gestation pour autrui - transcription de l'acte de naissance à l'état civil

Publié le : Thématique : Début de vie / Gestation pour autrui Textes de jurisprudence Temps de lecture : 13 min.

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Le 16 juillet 2020, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a confirmé dans l'affaire D. c. France que le refus de transcrire l'acte de naissance d'un enfant né à l'étranger d'une gestation pour autrui (GPA), ne porte pas atteinte au respect de la vie privée pour autant que la procédure d'adoption permet de reconnaître un lien de filiation.

La Cour a été saisie suite au rejet de la demande tendant à la transcription sur les registres de l'état civil français de l'acte de naissance d'un enfant né à l'étranger d'une GPA, en l'espèce en Ukraine. Ce rejet s'appuyait sur le fait que l'acte de naissance désignait la mère d'intention – également mère génétique - comme étant la mère de l'enfant.

La cour d'appel de Rennes a accueilli la demande de transcription de l'acte de naissance pour autant qu'il désignait comme étant le père le deuxième requérant, père d'intention et père biologique. En revanche, elle a rejeté la demande de transcription au titre de la filiation maternelle compte tenu que le droit positif n'autorise une dérogation au principe mater semper certa est que dans le cas expressément limité prévu par le législateur, en matière d'adoption plénière. Toutefois, elle statue que le lien de filiation entre la mère d'intention et l'enfant pouvait être juridiquement établi par la voie de l'adoption.

Les requérants dénoncent une violation du droit au respect de la vie privée de l'enfant ainsi qu'une discrimination fondée sur la naissance vu le refus des autorités nationales de transcrire l'intégralité de son acte de naissance.

Selon eux, cela constitue une ingérence disproportionnée dès lors que la mère d'intention est également la mère génétique.

Pourtant, la Cour de Strasbourg fait valoir que, conformément à sa jurisprudence antérieure (Mennesson c. France, 26 juin 2014, no 65192/11 et  Labassee c. France, 26 juin 2014, no 65941/11 ) quant au lien de filiation entre l'enfant et le père d'intention - père biologique, « l'existence d'un lien génétique n'impose pas que la reconnaissance du lien de filiation entre l'enfant et le père se fasse spécifiquement par la voie de la transcription de son acte de naissance étranger pour que le droit à la vie privée de l'enfant soit respecté. » Elle considère que cette position est tout aussi valable en l'espèce concernant la filiation de l'enfant avec la mère d'intention - mère génétique.

Plus encore, selon la Cour, l'ingérence n'est pas disproportionnée dès lors que le lien de filiation entre la mère génétique et l'enfant peut être effectivement établi par une autre voie, telle que celle de l'adoption. Elle a déjà relevé dans son avis consultatif no P16-2018-001, que celle-ci « produit des effets de même nature que la transcription de l'acte de naissance étranger s'agissant de la reconnaissance du lien de filiation entre l'enfant et la mère d'intention ».

La Cour analyse également la prétendue discrimination fondée sur « la naissance » dans sa jouissance du droit au respect de la vie privée vu le refus des autorités nationales de transcrire l'intégralité de son acte de naissance.

Contrairement aux requérants, elle considère que l'adoption de l'enfant du conjoint constitue en l'espèce un mécanisme effectif permettant la reconnaissance du lien de filiation entre l'enfant et la mère génétique. Selon les juges, la différence de traitement entre les enfants français qui sont nés à l'étranger d'une GPA, et les autres enfants français nés à l'étranger quant aux modalités de la reconnaissance du lien de filiation avec leur mère génétique repose sur une justification objective et raisonnable de l'Etat qui essaie, par le biais d'un examen judiciaire, de limiter les risques que la GPA peut engendrer.

La Cour conclut à la non-violation de l'article 8 de la Convention, tant pris isolément que combiné avec l'article 14. 

Commentaire :

Même si on peut saluer la décision de la Cour de laisser la liberté aux États de ne pas reconnaître d'effets juridiques à la gestation pour autrui en confirmant sa jurisprudence antérieure, il nous semble qu'un effet indirect de la reconnaissance de la filiation par le biais de l'adoption consiste justement dans un détournement de l'institution-même de l'adoption (voir Fiche didactique sur la gestation pour autrui).

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