Affaire A.K. c. Lettonie / Diagnostic prénatal et vie privée

Publié le : Thématique : Début de vie / Diagnostics prénataux Textes de jurisprudence Temps de lecture : 45 min.

 Imprimer

Affaire A.K. c. Lettonie du 14 juin 2014 - Req. 33011/08

En 2002, à l'âge de 41 ans, madame A.K. donna naissance à un enfant qui s'avéra être atteint du syndrome de Down – ce qui ne fut découvert qu'après la naissance.  Madame A.K. porta plainte contre l'hôpital et contre le gynécologue qui avait suivi sa grossesse, alléguant que ce dernier aurait dû lui proposer de passer un test de dépistage « AFP » – ce que, d'après madame A.K., il ne fit pas.

Madame A.K. estima notamment qu'il incombait au médecin de tout mettre en oeuvre afin qu'elle soit informée de l'état de santé de l'enfant à naître, et que le fait que le test de dépistage ne lui ait pas été proposé l'avait privée de la possibilité de ne pas mettre au monde un enfant atteint d'une anomalie génétique.

Les Cours et Tribunaux de Lettonie rejetèrent la plainte de madame A.K., estimant, d'une part, qu'il lui avait bien été proposé de passer ledit test mais qu'elle ne s'était jamais présentée au rendez-vous, et d'autre part, qu'elle était elle-même fautive pour n'avoir pas fourni au médecin une information complète quant à certains facteurs de risques (consommation d'alcool de son mari, antécédents de maladie génétiques dans la famille, etc.). Les juridictions indiquèrent également que, du seul fait de son âge, madame A.K. n'appartenait pas à une catégorie à risque rendant obligatoire ledit test suivant la réglementation médicale applicable.

Devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, madame A.K. s'est ensuite plaint d'une violation du droit au respect de sa vie privée (article 8 de la Convention), en raison notamment de l'absence d'information relative à l'anomalie génétique du foetus, qui ne permit pas à madame A.K. « de choisir s'il convenait de poursuivre la grossesse ».

La Cour Européenne des Droits de l'Homme rappelle tout d'abord que la décision de poursuivre ou non une grossesse fait partie de la « vie privée » protégée au titre de l'article 8. Analysant le cas de madame A.K., la Cour estime ensuite que la plainte de madame A.K. ne concerne pas tant la question de la proposition d'un test prénatal en vue de la poursuite ou non de la grossesse, mais bien le traitement et la suite que les Cours et Tribunaux de Lettonie ont réservés à la plainte originelle de madame A.K.

En limitant ainsi l'examen de la cause à ce volet « procédural », la Cour estime qu'il y a eu violation de l'article 8 en l'espèce, en ce que les juridictions lettones n'ont pas examiné de manière suffisamment approfondie si, quant aux faits dont elle se plaignit, madame A.K. bénéficia ou non d'une protection adéquate de sa vie privée au regard de la réglementation médicale applicable.

 

La Cour accorde à madame A.K. une indemnisation forfaitaire de 5.000,00 EUR à titre de dommage moral.

  • diagnostic prénatal
  • interruption de grossesse
  • vie privée
  • naissance handicapée
  • maladie génétique
  • responsabilité médicale

Temps de lecture : 43 min. Télécharger