Selon une étude parue en juin dernier, le nombre d’embryons humains cryoconservés à la suite d’une procréation artificielle a atteint un niveau record au Royaume-Uni. Publiée dans The New Bioethics, l’étude en question a analysé les données fournies par l’Autorité britannique de fertilisation et d’embryologie humaines (HFEA) entre 1991 et 2019. Les chiffres montrent qu’au moins 130 000 embryons stockés ont été détruits au Royaume-Uni depuis 1991. Cette situation, déjà problématique en soi, l’est en particulier au Royaume-Uni où la législation relative aux embryons humains basée sur le rapport Warnock de 1984 reconnaît à ces derniers un « statut moral spécial ».
La procréation artificielle : une technique qui interroge le statut des embryons
Cette étude s’inscrit dans le contexte d’un recours toujours plus important à la procréation artificielle. Le nombre de cycles de fécondation in vitro (FIV) enregistrés dans les cliniques de fertilité agréées au Royaume-Uni est ainsi passé d’environ 6 700 cycles en 1991 à 76 000 en 2021. Pour éviter les risques et les complications liés à la stimulation hormonale et à la ponction des ovocytes, chaque FIV entraine la congélation d’embryons surnuméraires. 500 000 embryons sont actuellement cryoconservés au Royaume-Uni. L’étude souligne que la difficulté pour les couples à décider de leur sort, leur réticence à les donner à un autre couple ou à la recherche, conduira probablement à la destruction d’un grand nombre de ces embryons.
Depuis 2022, la loi britannique sur la santé et les soins permet de conserver jusqu’à 55 ans après leur création, les embryons conçus dans le cadre d’une FIV (pourvu que le consentement soit renouvelé tous les 10 ans). Le risque, soulevé par l’étude, est que cela n’entraine un nombre toujours plus croissant d’embryons stockés et n’accentue le problème moral posé par leur devenir.
Rapport Warnock sur les embryons humains : les limites d’un « statut moral indéfini »
Ce rapport définit l’embryon humain aux premiers stades comme un « être humain potentiel », l’embryon n’étant considéré ni comme un objet inanimé ni comme une personne. Cette imprécision permet de mener des recherches sur lui jusqu’au 14ème jour de son développement. Le rapport précise aussi que l’embryon « de l’espèce humaine » devrait bénéficier d’une certaine protection dans la loi sans que soient précisés les contours de cette protection. S’appuyant sur d’autres sources, l’étude de la HFEA souligne l’inextricable situation des couples qui « peuvent considérer leurs embryons comme leurs enfants à naître ou même comme des enfants existants. Dépourvu d’un statut clair, l’embryon issu de la procréation artificielle est susceptible d’être utilisé comme un matériau de laboratoire alors même qu’il était conçu pour répondre à un désir d’enfant.
L’embryon cryopréservé : voué à la destruction ?
D’après une autre étude, publiée en 2019 dans Fertility & Sterility, seules 8 % des familles interrogées avaient l’intention de faire d’autres tentatives de grossesse avec leurs embryons cryopréservés après un an. Face à cette réalité, les auteurs de l’étude de 2024 s’inquiètent de la proportion toujours plus importante d’embryons congelés : en 2019, environ 40 000 embryons ont été décongelés pour la procréation artificielle, ce qui ne représentait qu’environ 8 % du total entreposé. La même année, plus du double de nouveaux embryons ont été stockés. À juste titre, l’étude invite à se pencher sur les implications éthiques de cette production « industrielle » d’embryons humains dont la plupart finiront congelés et détruits. Comment justifier la création d’embryons humains dans ces conditions ? Pour rappel, en Belgique, sur 96.167 embryons créés lors d’une FIV, 8.7% d’entre eux seront transférés, 18% seront congelés, et 52% détruits (soit 50 380 embryons) selon les chiffres de 2021.