Une faille dans la loi euthanasie : l’aide au suicide comme échappatoire au contrôle de l'euthanasie

Publié le : Thématique : Fin de vie / Euthanasie et suicide assisté Actualités Temps de lecture : 2 min.

 Imprimer

La Chambre du conseil de Malines a décidé de ne pas renvoyer le Dr Marc Van Hoey devant le juge, après que celui-ci ait prodigué un breuvage mortel à une dame de 85 ans qui ne voulait plus vivre. En suivant l'avis du Ministère public et la défense du médecin, elle semble avoir considéré que le cas ne rentrait pas dans le champ d'application de la loi sur l'euthanasie.

Simona De Moor ne souffrait pas de maladie physique ou psychique particulière (condition essentielle pour une euthanasie), mais faisait état d'un « chagrin inapaisable » suite au décès récent de sa fille. Elle n'était pas même dépressive, avait expliqué le médecin. En outre, le docteur Van Hoey n'avait pas fait appel à un troisième médecin, comme l'impose la loi quand la personne n'est pas dans une situation de fin de vie imminente. (Bulletin de l'IEB : Premier dossier d'euthanasie transmis au Parquet)

Euthanasie ou suicide assisté ?

La Commission de contrôle de l'euthanasie avait renvoyé le cas devant le ministère public, considérant qu'il y avait des « doutes » sur le respect des conditions de cette « euthanasie ». Interrogé vendredi dernier, le Prof. Wim Distelmans, président de la Commission, maintient le fait que pour lui, il s'agit bien d'une « euthanasie », car, dit-il, prodiguer ce breuvage est « une méthode acceptée, qui est aussi décrite dans les rapports que nous déposons tous les deux ans au Parlement ».

Pour la Prof. Sigrid Sterckx* (UGent), le Dr. Distelmans et la Commission réinterprètent unilatéralement la loi, qui pourtant réserve le terme d'euthanasie à un acte « pratiqué par un tiers » (LOI). C'est aussi ce qu'a pointé l'Institut Européen de Bioéthique dans sa note de synthèse du Rapport 2018 de la CFCEE.

D'un point de vue juridique, la loi n'impose donc pas que le suicide assisté respecte certaines conditions. En jouant sur l'ambiguïté de la définition d'une euthanasie, les différents acteurs de ce dossier sont donc parvenus à faire triompher le vide juridique et à exonérer le médecin, le Dr Van Hoey, de toute condition et de toute sanction.

Il peut encore être fait appel de la décision de la Chambre du conseil. L'aide au suicide n'est pas punissable en droit belge. Cependant, comme le rappelle le Prof. Montero, « il est plus généralement admis que l'aide au suicide peut être réprimée sous le chef de non-assistance à personne en danger (art. 422bis C. pén.). La seule abstention de porter secours étant punissable, il faut raisonner a fortiori en cas de participation : non seulement le tiers n'a rien fait pour porter secours à la personne en danger, mais il l'a de surcroît assistée dans son suicide. Des décisions de jurisprudence – peu nombreuses – confirment cette analyse. » (Prof. E. Montero, « Suicide, euthanasie et suicide assisté – Le rôle de la loi face aux demandes de mort »)

La proposition d'un nouveau Code pénal, déposée récemment à la Chambre par le parti du ministre de la Justice (CD&V), pénalise l'incitation au suicide.

*La Prof. Sigrid Sterckx est intervenue ce 29 avril lors de la journée d'étude intitulée « Euthanasie réussie ? Une évaluation critique de la loi et de la commission euthanasie », à Louvain.