Euthanasie : le Parlement s’apprête à voter une loi inconstitutionnelle

Publié le : Thématique : Fin de vie / Euthanasie et suicide assisté Actualités Temps de lecture : 2 min.

 Imprimer

La proposition de loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie, en discussion au Parlement fédéral depuis octobre 2019, sera votée en séance plénière ce jeudi 5 mars.

Or, ce texte de loi contrevient à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme, sur deux points au moins :

Le texte viole la liberté de conscience des médecins

La proposition oblige le médecin qui refuse de pratiquer l'euthanasie à « transmettre au patient les coordonnées d'un centre ou d'une association spécialisé en matière de droit à l'euthanasie », en l'occurrence l'ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) et L.E.I.F. (LevensEinde InformatieForum).

Or, dans son avis sur ce texte, le Conseil d'Etat avertit clairement le législateur que « si le dispositif proposé implique que le médecin qui refuse de pratiquer l'euthanasie est contraint de renvoyer le patient vers un médecin qui serait éventuellement disposé à pratiquer l'euthanasie, ce dispositif porte atteinte à la liberté de conscience du médecin concerné en ce qu'il est obligé de faciliter la pratique de l'euthanasie ».

2° Le texte viole la liberté des hôpitaux et maisons de repos

Selon le texte proposé, « aucune clause écrite ou non écrite ne peut empêcher un médecin de pratiquer une euthanasie dans les conditions légales ». Une telle mesure vise donc à contraindre les institutions de soins à accepter la pratique de l'euthanasie, et à interdire les hôpitaux et maisons de repos qui privilégient d'autres approches que la mort par euthanasie, par exemple à travers un accompagnement continu des personnes jusqu'à leur décès, par le biais des soins palliatifs.

Dans sa vision individualiste de la relation patient-soignants, la proposition de loi est en décalage avec la réalité vécue par les communautés de soignants au sein des institutions de soins (cfr. vidéo). Qu'en est-il, par exemple, de la liberté conjointe de plusieurs personnes, soignants et résidents, de travailler et vivre dans une maison de repos garantissant à chacun la possibilité d'être accompagné jusqu'au terme de sa vie ?

Une telle mesure porte donc atteinte à la liberté des membres des institutions de soins, tant du point de vue de leur liberté d'association que de la liberté de conscience des soignants, exercée ici collectivement. Ce texte contrevient aussi au principe de pluralisme autour duquel sont organisés les soins de santé en Belgique.

Une loi vouée à être déclarée inconstitutionnelle

Tenant compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et des avertissements formulés par le Conseil d'Etat, une telle loi, votée en l'état, serait très probablement amenée à être rapidement annulée par la Cour constitutionnelle pour violation de la liberté de conscience et de la liberté d'association des soignants.

 

Dr Philippe BALLAUX

Président de l'Institut Européen de Bioéthique

Léopold Vanbellingen

Juriste - Chargé de recherche