Belgique : un jugement contestable sur la pratique de l’euthanasie en maison de repos

Publié le : Thématique : Fin de vie / Euthanasie et suicide assisté Actualités Temps de lecture : 2 min.

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Ce mercredi 29 juin 2016, la maison de repos Sint-Augustinus, de Diest, a été condamnée par le tribunal de première instance de Louvain pour avoir refusé qu'une euthanasie, illégale selon elle, soit pratiquée en son sein. Le jugement, qui surprend par sa brièveté et l'absence de motivation juridique, condamne la direction de la maison de repos et de soins à verser un dédommagement de 6000€ aux membres d'une famille pour le préjudice moral qu'ils ont subi pour avoir dû déplacer leur mère afin que celle-ci puisse être euthanasiée.

Mariette Buntjens, âgée de 74 ans et en phase terminale d'un cancer métastasique, avait formulé sa demande d'euthanasie en 2011. C'est un médecin extérieur à l'institution qui a décidé de répondre à sa demande. Le médecin traitant de la maison de repos dit avoir été mis devant le fait accompli et affirme que lui-même et l'équipe soignante ont été laissés à l'écart et n'ont pas pu s'entretenir avec Mme Buntjens de sa demande d'euthanasie. Cependant, la loi dépénalisant l'euthanasie prévoit que le médecin pratiquant l'euthanasie doit, « s'il existe une équipe soignante en contact régulier avec le patient, s'entretenir de la demande du patient avec l'équipe ou des membres de celle-ci. » 

La direction aurait alors refusé que l'acte soit pratiqué dans ses murs car les conditions requises par la loi n'étaient pas remplies : le médecin externe aurait lui-même suggéré l'euthanasie et n'aurait pas vérifié les différents critères qui peuvent justifier une euthanasie, le médecin de la maison de repos aurait douté du caractère volontaire de la demande et n'aurait pas eu le temps, en une semaine, de prendre suffisamment connaissance du cas.  La dame n'aurait pas confirmé sa demande d'euthanasie auprès du médecin coordinateur.

La famille a donc décidé de ramener la patiente chez elle pour qu'elle puisse y être euthanasiée. Ses enfants ont ensuite saisi la justice, au motif que le refus de l'établissement de faire euthanasier leur mère dans la structure aurait aggravé ses souffrances physiques et psychiques.   

Si ce jugement peut soulever des craintes par rapport à la liberté d'une institution de soins de refuser l'euthanasie en ses murs, il faut néanmoins fortement en relativiser la portée. Il s'agit tout d'abord d'un jugement d'un tribunal civil de première instance, duquel il aurait pu légitimement être fait appel, étant donné l'absence de motivation du tribunal. En effet, celui-ci a qualifié la décision de la maison de repos de "faute", sans ne citer aucune base légale pour justifier cette qualification. De plus, une décision de justice n'a pas valeur de loi en Belgique et pourrait donc être contredite par une décision ultérieure. 

Il semble que le tribunal n'ait pas été satisfait des arguments avancés par la maison de repos pour démontrer que les conditions pour pratiquer l'euthanasie n'étaient pas satisfaites. Or, nul ne sait quelle aurait été l'issue du jugement si la maison de repos avait mieux démontré l'illégalité de l'euthanasie en question.  

Dans ses conclusions et lors de l'audience le 18 mai 2016, la direction de la maison de repos s'est défendue d'avoir refusé l'euthanasie pour motifs religieux ou par conviction. Elle n'a donc pas plaidé en ce sens et le tribunal ne s'est pas non plus clairement prononcé sur le droit d'une institution de soins, en raison de son attachement à certaines convictions religieuses ou philosophiques, de refuser la pratique de l'euthanasie en son sein. Selon l'Institut Européen de Bioéthique, le droit en vigueur ne saurait être interprété de façon à compromettre cette liberté institutionnelle. (Voir son Dossier : La liberté des institutions de soins eu égard à la pratique de l'euthanasie)