Aider quelqu'un à se suicider n'est pas protégé par la liberté d'expression, précise la CEDH

Publié le : Thématique : Fin de vie / Euthanasie et suicide assisté Actualités Temps de lecture : 3 min.

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A travers une décision rendue le 12 avril dernier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est prononcée sur la problématique du suicide assisté, au regard des droits fondamentaux.

 

À cette occasion, la Cour précise que la Convention européenne des droits de l’homme ne comprend « aucun droit au suicide assisté, y compris sous la forme d’une information ou d’une assistance allant au-delà de la fourniture d’informations générales sur le suicide » (§52 de la décision).

 

Dans cette affaire Lings c. Danemark, la CEDH était amenée à apprécier le cas d’un ancien médecin danois (Svend Lings), condamné par les juridictions de son pays pour avoir aidé deux personnes à se suicider, et avoir tenté d’aider une troisième, en leur fournissant des conseils et des médicaments à cette fin.

Membre fondateur d’une association militant en faveur de l’euthanasie en 2015, le Dr. Lings, depuis rayé de l’Ordre des médecins danois, avait initialement publié une brochure intitulée « Médicaments appropriés pour se suicider ».

Sa condamnation à six mois de prison avec sursis (tenant compte de son âge avancé) ne porte cependant pas sur la parution de ce guide – légale selon le droit danois – mais sur les démarches qu’il avait entreprises en 2019 pour aider trois personnes à se suicider.

À travers des conseils sur la prise de médicaments et sur l’utilisation combinée d’un sac en plastique aux fins de se suicider, mais aussi par la prescription de ces médicaments, Sven Lings a violé l’interdiction d’assistance au suicide telle que prévue au Danemark.

Notons que, parmi les trois personnes ayant tenté de se suicider avec l’appui du requérant, l’une d’entre elles n’est pas décédée, et a finalement pu être soulagée de ses douleurs physiques et psychiques.

 

Alors que S. Lings invoquait la violation de sa liberté d’expression pour contester sa condamnation, la CEDH conclut à l’unanimité au fait que l’atteinte était tout à fait justifiée.

La CEDH reconnaît même avoir « hésité » (§45) à considérer que l’invocation de la liberté d’expression pour aider à commettre un suicide pourrait relever de l’abus de droit, au sens de l’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme.

 

L’absence de violation de la liberté d’expression est justifiée par la CEDH en raison de la « dimension morale » de la question du suicide assisté, et de l’absence complète de consensus entre les États européens sur la réponse à apporter par le droit à cette question (§ 60).

 

La Cour précise que l’objectif poursuivi par les autorités danoises à travers cette condamnation était bien légitime, s’agissant de la protection de la santé, de la morale et des droits d’autrui (§48). La sanction de deux mois de prison avec sursis est quant à elle proportionnée, aux yeux de la Cour (§59).

 

En insistant sur l’absence de droit au suicide assisté au sens de la Convention, la décision de la CEDH s’avère cruciale, et s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence selon laquelle l’article 2 de la Convention (relatif au droit à la vie) ne confère pas un droit à mourir (arrêt Pretty c. Royaume-Uni, n° 2346/02, 29 avril 2002) mais « impose aux autorités le devoir de protéger les personnes vulnérables même contre des agissements par lesquels elles menacent leur propre vie » (arrêt Haas c. Suisse, n° 31322/07, 20 janvier 2011, § 54).

 

Pour aller plus loin : IEB - Synthèse de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur l’euthanasie et le suicide assisté