Argentine : un médecin condamné pour avoir refusé de pratiquer un avortement à risque

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Droits et libertés / Clauses de conscience Actualités Temps de lecture : 2 min.

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La condamnation du Dr Leandro Rodriguez Lastra a été confirmée en appel. Ce médecin avait refusé de pratiquer un avortement sur une femme enceinte de 23 semaines, estimant qu'un tel geste présentait trop de risques pour la santé de la femme. Le médecin écope d'une peine de prison d'un an et deux mois avec sursis et de la suspension de toute ses fonctions publiques pendant deux ans et quatre mois.

L'affaire en question commence en avril 2017, lorsqu'une jeune femme de 19 ans, qui affirme avoir été violée, se rend à l'hôpital public de Cipoletti après s'être rendue dans une ONG où elle indique avoir reçu du misoprostol, un médicament destiné notamment à provoquer l'avortement. La patiente demande alors que son avortement puisse être achevé à l'hôpital.

En Argentine, l'avortement n'est autorisé qu'en cas de danger pour la santé de la mère ou lorsque la grossesse est issue d'un viol. Dans cette dernière hypothèse, il ne faut toutefois pas prouver que la grossesse résulte effectivement d'une agression sexuelle.

Estimant qu'elle courait le risque d'une infection grave, voire mortelle, le Dr Rodriguez lui a administré des médicaments contre les contractions. Selon lui, la patiente était à 5 mois de grossesse et ne pouvait dès lors plus recevoir de pilules abortives, celles-ci risquant de provoquer des complications chez la mère après 10 à 12 semaines de grossesse.

La jeune femme est alors restée à l'hôpital, avec son plein consentement, afin que l'on pratique une césarienne lorsque le bébé pourrait naître vivant et viable. À 7 mois et demi, le bébé est alors né en bonne santé.

Quelque temps après, un groupe d'activistes pro-IVG reproche au médecin d'avoir mis en place une « tactique de retardement ». Un procès est entamé qui aboutit, en octobre 2019, à la condamnation du médecin, confirmée désormais en appel. Les juges se fondent notamment sur le fait que le Dr Rodriguez n'aurait « jamais eu l'intention de pratiquer l'avortement ». Lors de ce procès, les termes de ‘'violence obstétricale'' sont même mentionnés, dans le sens où le Dr Rodriguez aurait obligé la jeune femme à accoucher.

Dès l'entame du procès d'appel, le procureur Santiago Márquez Gauna avait d'ailleurs exprimé son souhait que le médecin « suive des cours sur le consentement éclairé, l'interruption légale de grossesse et la ‘'perspective de genre'' ». Il n'a pas été suivi sur ce point.

Précisons que le Dr Rodriguez avait demandé que deux des trois juges soient récusés, l'un se positionnant clairement pour l'avortement et l'autre s'étant déjà exprimé sur l'affaire avant même d'entendre l'accusé. Cette demande n'avait pas abouti.

Son avocat estime que cette décision est idéologique et précise qu'elle fera l'objet d'un recours devant la Cour Suprême de la province de Rio Negro.

Cette affaire soulève à nouveau la question de la frontière entre la liberté thérapeutique et l'objection de conscience du médecin : dans quelle mesure le refus de pratiquer un avortement en raison des risques pour la femme peut-il véritablement être considéré comme une objection de conscience ? Une question analogue se pose en matière de fin de vie, concernant le refus de pratiquer l'euthanasie sur base du respect des conditions de la loi, vu par d'aucuns comme une objection de conscience.

 

Photo : Twitter - Radio 10