Affaire Gross c. Suisse / Suicide assisté

Published on : Thematic : End of life / Unclassified Case-law texts Temps de lecture : 35 min.

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Arrêt Gross c. Suisse du 14 mai 2013, Req. n° 67810/10

 

Madame Alda Gross, ressortissante suisse née en 1931 exprime depuis longtemps son souhait de mettre fin à sa vie. Elle explique ce désir par le fait qu'elle se sent de plus en plus fragile et ne souhaite pas continuer à subir le déclin de ses facultés physiques et psychologiques, sans néanmoins être atteinte d'une maladie incurable.  Elle a demandé en vain à plusieurs médecins de lui prescrire une dose mortelle de pentobarbital sodique, ce que les médecins ont refusé, notamment parce que la patiente ne souffrait d'aucune pathologie et qu'une telle prescription serait contraire à leur déontologie professionnelle et risquerait de les exposer à une procédure judiciaire. Ce refus a été confirmé par les cours et tribunaux, dont une décision de la Cour suprême fédérale suisse qui considère que l'Etat n'est pas tenu de garantir à un individu l'accès à une dose mortelle de médicament.

Madame Gross introduit alors une requête devant la Cour européenne des droits de l'homme le 10 novembre 2010, alléguant comme motif principal qu'en lui refusant le droit de décider quand et comment elle finirait sa vie, les autorités suisses ont violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui consacre le droit au respect de la vie privée et familiale.

La Cour constate que l'article 115 du Code pénal suisse ne réprime l'incitation et l'assistance au suicide que lorsque lorsqu'elles sont commises pour des « motifs égoïstes ». La Cour constate également que selon la jurisprudence de la Cour suprême fédérale suisse, un médecin peut prescrire un médicament mortel pour aider un patient à se suicider si certaines conditions spécifiques, indiquées dans les directives éthiques adoptées par l'académie suisse de médecine, sont remplies. Ces directives imposent notamment qu'un médecin conclue que la maladie  conduirait à la mort en quelques jours ou semaines, ce qui n'est pas applicable au cas de Madame Gross.

La Cour soulève néanmoins que ces directives sont établies par une académie de médecine et n'ont pas valeur de loi. Elle conclut alors que l'absence de directives exposées clairement dans la loi ont un effet dissuasif sur les médecins et ont du engendrer une inquiétude considérable chez la requérante.

La Cour décide alors qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce que  la législation suisse, tout en offrant la possibilité d'obtenir une dose létale de médicament sur ordonnance médicale, ne fournit pas des directives suffisantes définissant avec clarté l'ampleur de ce droit. Elle estime néanmoins qu'il ne lui appartient pas de décider si la demande de Madame Gross aurait du être entendue, mais qu'il incombe aux autorités Suisse d'émettre des directives claires et complètes à ce sujet.

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